Travaux forcés…
Nous sommes en 2132. Un grand projet de travaux sur Mars est en cours. Le but : rendre la planète rouge habitable pour l’homme. Etant donné que les aménagements nécessaires sur la planète réclament des investissements financiers colossaux que la Terre et ses habitants ne sont pas prêts à réaliser, la solution des responsables du projet, est de faire appel aux prisonniers qui ont été condamnés à des peines supérieures à 5 ans. Parmi les nouvelles « recrues », Jasmine, à qui on vient de poser un implant pour respirer sur Mars et travailler comme un forçat pour préparer le futur de l’humanité.
J’avais eu l’occasion de découvrir le dessin de Grun sur la série Metronom’ que j’avais beaucoup apprécié tant sur la partie graphique que par l’histoire de l’excellent Eric Corbeyran. Il s’agissait déjà d’une BD de science-fiction, qui semble être un domaine où le trait réaliste de Grun arrive à s’exprimer avec brio. Il excelle dans la réalisation des décors, des véhicules, des ambiances pour mettre en scène la vie sur la planète rouge. Le découpage des cases est assez classique, bien qu’efficace. Il manque à mon sens quelques pleines pages qui pourraient rendre l’album encore plus attractif, à l’instar de celles que l’on peut trouver dans le cahier graphique à la fin de la BD.
J’avoue qu’avant cette œuvre, je ne connaissais pas vraiment l’éditeur Daniel Maghen. Il est plutôt spécialisé dans les planches et dessins originaux. Il publie principalement des livres d’illustration et des biographies en images, de grands noms de la bande dessinée. On Mars_ fait partie du petit nombre d’élus qui attire l’attention de cette maison d’édition. C’est certainement lié à la qualité de l’œuvre mais peut-être aussi au cahier graphique assez complet qui reprend les recherches et autres travaux préparatoires qui ont contribué à faire de cette bande dessinée un très « bel objet ». On ressent tout le travail réalisé en amont et le soin particulier apporté par l’auteur autour de son « univers », pour le rendre à la fois esthétique et crédible.
Sylvain Runberg, scénariste prolixe à qui l’on doit des séries à succès comme Warship Jolly Roger ou les infiltrés, nous a concocté un triptyque martien dont on ne sait pas encore que penser. Le premier tome est certes très prometteur mais il sert avant tout à poser l’action et les personnages. Les thèmes classiques liés à l’incarcération sont présents : bizutage des petits nouveaux, alliances entre les prisonniers, protection par les autres détenus, contrebande, place de la religion… Ce qui amène une valeur ajoutée au récit, c’est le côté réflexion politique et philosophique sur l’exploitation de l’homme par l’homme et l’esclavagisme dont font preuve les autorités sur des prisonniers qui doivent travailler dans des conditions de travail très dures au risque de perdre la vie. Cela donne un contraste intéressant entre régression et science-fiction.
Comme l’indique le titre, « Un monde nouveau » se met en place dans sa conception tant au niveau spirituel (religion) que physique (colonisation) ou moral (exploitation). Beaucoup d’atouts donc pour cette série en trois tomes qui vient juste de démarrer. J’avoue que j’attends avec impatience de découvrir les prochains tomes.