Un cavalier qui surgit hors de la nuit…
En 1849, un groupe de 50 signataires aimeraient dans les mois qui suivent ratifier la constitution de la Californie, gagnée au Mexique par les Etats-Unis, un an auparavant. Profitant de la relative liberté et du vide juridique qui existe pendant encore quelques mois, certains individus avides et peu scrupuleux comme le Señor Gomez ainsi que son âme damnée, Burrows, ne reculent devant rien pour imposer la terreur parmi les paysans et s’approprier les biens qui ne lui appartiennent pas. Entré en possession des terrains et de la mine d’or des Vega après s’en être débarrassé, Gomez veut devenir un acteur incontournable de la construction de la Californie en jouant sur tous les tableaux. Prévenu par le prêtre de la paroisse, le fils de Don Vega va quitter son école militaire madrilène afin de venir venger ses parents…
Gros coup de cœur de cette rentrée, avec cette histoire revisitée de Zorro, ce héros de légende créé en 1919 par Johnston McCulley. Pierre Alary continue avec maestria ses projets en solo en tant qu’auteur complet : scénariste, dessinateur, coloriste (même s’il a reçu un peu d’aide de la part de Benoît Bekaert dans « la dernière ligne droite »). Lorsque j’étais petit je ne ratais jamais un épisode de ce justicier masqué lorsqu’il était diffusé à la TV et j’avoue avoir vu et apprécié un certain nombre de films mettant en scène ce personnage. C’est pourquoi, j’attendais beaucoup de cet album autant que je l’appréhendais. En effet, il y a eu tellement d’histoires et d’aventures de Zorro que je redoutais que le point de vue de cette BD soit du réchauffé. Or, pas du tout, même si le scénario semble être tout ce qui a de plus classique, Pierre Alary nous offre une fin originale qui rétrospectivement donne une vision différente et intéressante de l’œuvre qui vient d’être lue.
La couverture tout en ombre avec un Z orange donne le ton d’un album harmonieux, qui laisse planer le mystère sur l’homme qui s’incarne derrière le masque mais suggère aussi que nous allons découvrir quelque chose de non conventionnel et d’assez sombre. La lecture de cet BD est vraiment fluide et efficace. Basée sur des faits réels, la fiction s’en éloigne assez rapidement pour se concentrer sur les intrigues et malversations du Señor Gomez et de sa clique de mercenaires mais aussi sur le refus de se résigner de la part du peuple qui resiste même si le combat est déséquilibré. Le folklore prend le dessus sur la raison et inspire autant les paysans que le fils de Don Vega. El Zorro devient le symbole de la lutte contre l’oppression qui inspirera la légende.
Le coup de crayon de Pierre Alary sur cet album n’est pas « cartoonesque » comme il a pu l’être sur Sinbad, Belladone ou Sylas Corey mais est plus stylisé et semi-réaliste, un peu dans la même veine que ses deux derniers albums (Mon traitre et Retour à Killibeg), ce qui n’est pas pour me déplaire. Le découpage avec des cases qui laisse s’exprimer les décors, facilite la lisibilité de l’ensemble. Pour les couleurs, l’auteur oscille entre pastels délicats de la nuit et cases gorgées de soleil pour contraster les différentes séquences qui se passent sur des temporalités différentes. J’ai eu l’impression également que parfois, le dessinateur utilisait le jaune d’or pour mettre en valeur des personnages pas très recommandables mus par l’opportunisme et l’appât du gain.
En bref, un album dynamique et bien sympathique qui tient ses promesses. Bravo Monsieur Alary pour votre travail, vous m’avez encore une fois conquis.
DON VEGA
Pierre Alary
96 pages – Couleurs
Date de parution : 02/10/2020
Editeur : Dargaud