Scénariste, dessinateur et coloriste
Après trois albums en étroite collaboration avec Manuro, cet artiste revient dans un tout autre registre chez Makaka Editions : une aventure de SF, décalée. Avec HVK, il nous offre un très bon premier album en tant qu’ « homme orchestre » sur cet album. Ce projet BD lui permet d’exprimer pleinement son talent et sa créativité pour le compte de sa maison d’édition fétiche.
Je vous propose d’en savoir un peu plus sur l’homme et ses différents « métiers ».
Pour cet auteur qui pense que « pour dire des choses sérieuses, il est important de ne pas se prendre au sérieux », l’humour et le second degré ne sont jamais bien loin.
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Portrait ChinoisSi j’étais une planète ? Si j’étais un personnage de BD ? Si j’étais une onomatopée ? Si j’étais une couleur ? Si j’étais un super pouvoir ? Si j’étais un film ? Si j’étais une série TV ? |
Comment êtes-vous devenu auteur de bandes dessinées ?
Ça dépend de ce qu’on entend par là… J’ai toujours fait de la BD. J’ai fait mes premiers dessins parce que je voulais raconter des trucs. Du coup l’aspect technique a constamment été subordonné à l’envie de narration. Bref, tout ça pour dire que je me suis toujours senti auteur de BD. C’est pas forcément la grande classe, hein : les adultes autour de moi se demandaient toujours si je n’étais pas un peu autiste sur les bords.
Vers l’âge de 20 ans j’ai fait quelques tentatives timides vers le « milieu » de la BD, tentatives non concluantes surtout, je crois, parce que je n’étais pas vraiment à fond dans le truc. Et puis, bon il fallait faire un choix : galérer pendant des années pour tenter de survivre et risquer la grande précarité (la situation des auteurs n’est d’ailleurs pas allée en s’améliorant) ou bosser sérieusement pour avoir quelque chose de stable. Bref je suis devenu prof d’arts plastiques. Non par dépit, mais parce que j’aime aussi la pédagogie et que je suis ainsi devenu un maillon du service public, auquel je crois profondément.
Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que je me suis sérieusement remis à la BD avec l’édition en ligne de mire et c’est grâce au site 30JoursdeBD.com (aujourd’hui fermé) que j’ai pu ensuite signer un contrat avec les éditions Makaka liées à ce même site. J’ai commencé par une BD dont vous êtes le héros : pas exactement le type de projet que j’avais en tête, mais tout de même un genre de défi (en terme de nombre de pages mais aussi de mises en scène) qui m’a vraiment intéressé. Depuis, je continue de travailler avec Makaka, mais pour des BD « classiques »…
De laquelle de vos activités vous sentez-vous le plus à l’aise ?
La mise en scène : le découpage, et les dialogues. C’est un peu l’essence de la BD, agencer les cases , restituer la narration, créer le rythme. Tout le reste c’est un peu du bonus. Cette étape est parfois compliquée, c’est un peu comme un Tetris : il faut tourner les pièces dans tous les sens pour que tout s’agence pour le mieux.
Mais je m’y sens à l’aise parce que quelles que soient les difficultés rencontrées, je sais que je vais m’en sortir , ce qui est super agréable. C’est juste que je ne sais pas encore comment. Bref, j’attaque cette étape comme un défi, mais ce n’est jamais une peine parce que je pars systématiquement ultra confiant. Peut-être à tort, hein. Là je parle uniquement de mon ressenti subjectif, de ma disposition mentale quand je travaille. Le résultat, je ne le vois qu’à la toute fin. C’est juste que pendant la réalisation, ce n’est plus vraiment le moment d’avoir des doutes, sinon, on n’avance pas.
Quelle est votre méthode de travail ?
Je vais détailler ce que j’ai fait pour HVK, album sur lequel j’ai bossé seul. Lors de mes différentes collaborations, la méthode a pu varier en fonction des contraintes du projet.
D’abord, il me faut un univers. Cet univers se développe petit à petit, il mûrit tout doucement dans ma tête, je n’ai pas forcément besoin de le poser sur papier, l’idée c’est que je sois capable d’en parler, de lui donner une cohérence et une consistance. Je passe cependant par un descriptif écrit, un genre de synthèse pour pouvoir communiquer avec mon éditeur sur cet univers.
Ensuite, j’attaque le scénario à proprement parler, d’abord par une idée la plus simple possible. Par exemple sur HVK, c’était « Héléna s’est fait piquer son vaisseau et va poursuivre les voleurs ». A partir de cette base, je déploie l’arc narratif par étapes successives : d’abord une division en chapitres (3 actes, sur HVK), puis chaque chapitre est lui même divisé en scènes etc. Ceci prend la forme d’un doc image avec toutes les pages visibles et des petites notes, des couleurs etc. En gros je commence par la structure avant tout. Ensuite, je remplis les cases, au sens propre comme au figuré.
Mon document de travail, celui à partir duquel je réalise l’album, est un fichier word qui détaille les actions page par page, un outil qui me permet de savoir que je sais où je vais, de quelle place je dispose pour aborder telle ou telle scène etc…. Tout le reste est réglé en même temps.
Donc, sur la base de mon « page par page », j’attaque la réalisation par doubles pages, histoire de maîtriser un peu ce que donnera la maquette de l’album (les vis-à-vis, les fins de page de droite etc.). Je travaille exclusivement en numérique, sur Photoshop, avec une tablette graphique Intuos pro A4. Un peu de 3D sur Sketchup pour certains environnements, pour les vaisseaux etc.
Découpage tout d’abord, ensuite les dialogues, les croquis, l’encrage et enfin la couleur. Et je passe ensuite à la double page suivante. J’ai besoin de mener tout cela de front pour plusieurs raisons : d’abord dans un souci de cohérence. L’image influe sur le texte et vice-versa, en faisant les deux en même temps, je m’assure que ce sera raccord. J’ai toujours tendance à penser qu’un bon dialogue sur le papier peut complètement perdre de sa saveur une fois en image si on laisse trop de temps s’écouler entre les deux étapes. L’autre raison, c’est que la partie que je préfère, c’est le découpage et les dialogues. L’encrage me plaît, mais par petites doses, pareil pour la couleur. En faisant ainsi j’alterne toutes les étapes, ça me permet de garder une bonne dynamique.
Comment se déroule une journée type ?
Je n’ai pas vraiment de journée type, en fait. J’ai un emploi du temps de prof qui reste inchangé sur une année scolaire. Pour la BD, je fais quand je peux, quand je suis motivé, quand je sens qu’il faut à tout prix que j’avance. Tout ce qui compte c’est que le projet avance avec une bonne régularité.
Êtes-vous satisfait de toutes les œuvres que vous avez réalisées ?
Globalement, oui. Après, si je refaisais les choses, ce serait peut-être différemment. Ma façon de faire évolue sans cesse. Ce qui est cool. Sur « La guilde des voleurs », je referais sans doute la couleur qui, après coup, ne me paraît pas super adaptée au traitement graphique très chargé en noir. Mais sinon, oui, ça va. Faut aussi dire que j’ai eu la chance de ne bosser que sur des projets pour lesquels j’étais motivé à 200 %. Ce qui est un petit peu lié au fait que je ne dépends pas financièrement de la BD. Il faut bien que ça ait un avantage de faire deux boulots en même temps.
De laquelle de vos œuvres êtes-vous le plus fier ?
HVK, évidemment. Enfin, bosser avec Manuro a quand même été une super expérience, et puis c’est un peu grâce à lui que je suis capable d’écrire un scénario de plus de 10 pages. Mais être (quasi) seul maître à bord c’était un peu l’objectif que je m’étais fixé. Et puis bon, ce sera toujours le dernier album en date dont je serai le plus fier, c’est plutôt logique.
Sur HVK, je suis content de tout, l’histoire, la structure, l’encrage, les dialogues et la couleur. Tout ça n’engage que moi, évidemment. Maintenant la logique, ce serait que le prochain album soit meilleur encore.
Quels sont vos projets en cours ?
Je suis en train de réaliser le tome 2 de « Féréüs le Fléau », l’un des premiers albums paru chez Makaka, scénarisé par Monsieur Le Chien et Odieux Connard. Encore un projet très différent de tout ce que j’ai pu faire.
Après, évidemment, si les ventes d’HVK se portent bien, j’aimerais vraiment pouvoir faire un tome 2. Mais mon éditeur, qui a oublié d’être bête, ne prendra pas le risque de signer la suite d’un album qui ne se serait pas vendu. Moralité : achetez HVK. Si vous ne le faites pas pour vous, faites le pour moi.
Bibliographie
Captive – 1 tome avec Manuro (Makaka Éditions)
La guilde des voleurs – 2 tomes avec Manuro (Makaka Éditions)
HVK – la traque de l’espace – Récit complet (Makaka Éditions) – Consulter la chronique
Féréüs le fléau – Le fortin du Ponant avec Monsieur Chien (Makaka Éditions)
La pierre du dragon – 1 tome avec Manuro (Makaka Éditions)