Savez-vous plantez des choux…
Ezekiel Jenkins, alias Zeke, écrivain et père de 2 enfants, décide d’aller rendre visite à son père Jedidiah avec qui il avait coupé les ponts, depuis de nombreuses années. En revenant dans sa ville natale de Freetown, il découvre que la petite ferme familiale s’est transformée en complexe industriel ultra-sécurisé où l’on cultive autre chose que des céréales depuis que le père a fait une rencontre avec des extra-terrestre en labourant son champ derrière la ferme bien des années auparavant…
J’avais beaucoup apprécié le travail de Rob Guillory sur l’excellente série Tony Chu, alors, lorsque j’ai appris qu’il s’était lancé dans sa propre série en tant qu’auteur complet (scénario et dessin), je m’y suis penché. Certains puristes se demanderont pourquoi je ne me suis pas précipité sur la VO dès sa sortie US, préférant attendre la version des éditions Delcourt mais c’est surtout parce que je ne fréquente plus beaucoup les librairies spécialisées en comics depuis un certain temps, je n’étais donc pas informé de la sortie de ce nouveau projet BD. En attendant cela ne m’a pas empêché de relire tous les tomes de Tony Chu en VF et de commencer à suivre le compte facebook de Rob en devenant son « ami virtuel » car sa page distille pas mal d’infos.
En tant que dessinateur, il utilise un trait semi-réaliste et un peu caricatural, bourré de détails et tout en bonhommie qui laisse s’exprimer les émotions des personnages. Il arrive à glisser mine de rien quelques références à la série culte qui l’a fait connaitre, sorte de clin d’œil aux fans du détective cibopathe. On y trouve par exemple le visage de Mason Savoy sur une page web pour des chapeaux dans la boutique en ligne de la femme de Zeke. Son coup de crayon est plein de détails comme à son habitude et on découvre avec plaisir de nouveaux éléments à la relecture, qui devient alors presque indispensable. La présentation virtuelle du créateur et de son histoire, à l’entrée de la ferme m’a fait un peu penser, a posteriori, à ce que l’on peut retrouver dans les films Jurassic Park ou Jurassic World où les visiteurs découvrent le parc pour la première fois par une vidéo promotionnelle à l’entrée.
Du point de vue de l’histoire, Rob a développé toute une galerie de personnages sympathiques et attachants pour l’univers de ce comics. Que ce soit le pasteur Tree Moore ou Andrea la fille prodigue, ou encore l’ex assistante de Jedidiah qui semble cacher un lourd secret et qui n’est peut-être pas aussi inoffensive que cela. Cela donne une dimension humaine au récit qui traite avec humour de sujets sérieux comme les manipulations génétiques dans l’agriculture intensive ainsi que ses dérives éthiques. On y découvre également des vies brisées par la violence des hommes et « réparées » par la science. C’est aussi une critique du profit qui dirige le monde et qui fait que l’espionnage industriel demeure monnaie courante dans la recherche.
Les cases de l’auteur sont assez variées car il n’y a pas vraiment de page « type », lorsque l’on lit l’album, on peut tomber sur des pages dites « classiques » en 4 ou 5 bandes à des planches plus complexes de 14 cases dont 12 petites au format carré. Le découpage des cases de l’album favorise les ruptures de rythme et évite que la lecture soit monotone. D’ailleurs, on peut passer en à peine quelques cases de l’horreur et l’effroi à la comédie. Le mystère qui entoure ce fermier charismatique, à la fois bienveillant mais qui peut devenir violent et sans pitié si l’on touche à ses proches, concoure à entretenir l’intérêt du lecteur qui est tenté de vouloir en savoir plus. Pour l’instant je n’ai lu que le 1er tome des éditions Delcourt correspondant aux comics US 1 à 5 mais cela me donne vraiment envie de suivre cette série prometteuse. La semaine prochaine j’irai sans doute acheter le tome 2 même si je ne le lis pas immédiatement.