En partance pour l’espace…
Amédée, Prie-Dieu et la Merguez sont trois inséparables SDF, vivant paisiblement en dessous d’un pont de Paris lorsqu’un notaire débarque pour les informer que Jean-Pierre Rousseau alias Amédée vient de perdre sa tante et de gagner une maison. L’héritage s’accompagne tout de même d’une condition : s’occuper de Nicolas, fils trisomique de la tante et grand fan de Youri Alexeïevitch Gagarine. Les trois clochards vont alors emménager dans la maison et se prendre d’affection pour cet enfant qui se balade en combinaison spatiale orange. Ce cosmonaute, un peu différent, va rapidement fuguer pour essayer de réaliser son rêve, monter dans un spoutnik. Les 3 amis vont devoir rapidement partir à sa recherche s’ils veulent conserver la jouissance de la demeure de tante Adelaïde.
Vous n’aviez jusqu’à présent pas vu beaucoup de pages consacrées aux éditions Bamboo dans les chroniques de ce blog. Cela a commencé à changer avec ma lecture de « Le Retour » qui m’a donné l’envie de découvrir d’autres titres de la collection Grand Angle, émanation de Bamboo, qui propose un catalogue plus mature. C’est tout d’abord en voyant la couverture du tome 2 chez Story-BD, que je me suis arrêté pour lire le résumé sur l’arrière de cette bande dessinée. Tout de suite, je l’ai trouvée originale et c’est l’association des deux (illustration de couverture + pitch) qui m’ont fait dire qu’un jour je lirai cette œuvre singulière. Je l’ai finalement achetée quelques mois plus tard dans une autre librairie, lorsque je suis tombé sur les 2 tomes en même temps.
Baser son récit sur un enfant atteint de trisomie 21 confié à des sans domicile fixe, c’était osé comme pari mais c’est aussi ce qui permet à cette bande dessinée de sortir du lot. La force de cette comédie sociale imaginée par Aurélien Ducoudray est de regrouper des personnages mis en marge par la société, l’un à cause de son handicap et les autres en raison de leur mode de vie. J’ai adoré cette histoire pleine de rebondissements et menée « tambour battant ». L’auteur a réussi à allier un sujet sérieux et beaucoup d’humour pour une aventure pleine d’humanité. Petit à petit, les personnages prennent de l’épaisseur et se croisent pour nous proposer une bande dessinée bien construite. Les dialogues sont aussi bien sentis et percutants. Bien que les situations soit parfois trop rocambolesques, ce roman graphique rempli de surprises, se lit facilement avec beaucoup de plaisir.
Plutôt habituée aux sujets graves et durs (les innocents coupables, Amère Russie), la dessinatrice Anlor fait ici aussi du très bon travail tant sur les couleurs que sur le style. Son coup de crayon met en exergue le côté révolté et excessif d’Amédée ainsi que la palette d’émotions par lesquelles passent les différents acteurs de cette œuvre. L’auteur nous offre une belle galerie de visages marqués par la vie. Le découpage des cases de ces deux bandes dessinées est relativement dense à l’image de l’accumulation d’actions et de péripéties de l’histoire. Les nuances de couleurs, changent d’un tome à l’autre à l’instar des tonalités des illustrations des couvertures des 2 tomes. Le premier est plus froid et stellaire, alors que le deuxième est plus chaleureux, comme si les émotions avaient changé au fur et à mesure qu’Amédée apprend à connaitre Nicolas. Le premier se centre sur Nicolas l’enfant rêveur alors que le deuxième se concentre sur l’attachement d’Amédée à ce jeune trisomique. De même, on devine dès la couverture du tome 2 et ses tons chauds que l’aventure devrait bien se terminer pour tout le monde.
En bref, ce dyptique très réussi, nous conte une histoire d’anti-héros sympathiques et attachants qui vont vivre une fable contemporaine pleine de perspectives, d’humour et d’émotions.