Kara

Dernière mise à jour le 30 mai 2024

Scénariste, dessinateur et coloriste

Dans un style résolument manga, cet auteur est aussi professeur. Bien qu’il ne publie plus de nouvel album, il continue de réaliser des commandes de BD institutionnelles pour des entreprises et de travailler sur des projets personnels. En parallèle, il enseigne dans des écoles d’arts graphiques, de cinéma mais aussi de jeux vidéo. Accro à la BD, il reste très actif sur les réseaux sociaux.
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Je vous propose d’en savoir un peu plus sur l’homme et sur son parcours.

Après avoir officié en tant qu’auteur de BD de 2000 à 2014, Kara décide de se tourner vers l’enseignement car il aime beaucoup transmettre et faire partager sa passion.
Portrait Chinois Kara

Portrait Chinois

Si j’étais une planète ?
Je serais Saturne parce que j’aime bien ses anneaux, je les trouve esthétiques…
Si j’étais un personnage de BD ?
Je serais Orane, l’héroïne de Claire Wendling dans Les lumières de l’Amalou . Encore aujourd’hui, c’est une BD qui me sert de référence en terme d’encrage, de qualité de mise en page, de mise en scène…
Si j’étais une onomatopée ?
Je serais BOUM.
Si j’étais une couleur ?
Je serais le marron ou l’ocre, une couleur chaleureuse…
Si j’étais un super pouvoir ?
Je prendrais les pouvoirs de superman car il les a tous…
Si j’étais un film ?
Je serais L’Œuf de l’ange (Tenshi no Tamago) de Mamoru Oshii.
Si j’étais une série TV ?
Je serais The Inside : Dans la tête des tueurs. Cela fait partie de ces séries méconnues, arrêtées trop tôt…

 
 

Korrasami Fanart Kara

 
Comment êtes-vous devenu auteur de bandes dessinées ?
 
Au départ, dans les années 80, je voulais surtout faire du dessin animé. J’avais été très impressionné par ceux réalisés par René Lalou : Gandahar dessiné par Caza et Les maitres du temps, sur des dessins de moebius. Malgré ces 2 œuvres, l’animation à la Française n’était pas très développée. C’est pourquoi, je me suis d’abord lancé dans une formation PAO/CAO en école de publicité sauf qu’au moment où j’ai fait ma formation, l’informatique et les nouvelles technologie n’étaient pas encore très répandues que ce soit dans les écoles comme dans les agences de communication. J’ai donc appris les métiers de la mise en page avec des outils dits «traditionnels». Ensuite, je me suis dirigé vers les Gobelins, la fameuse école des métiers de l’image, où j’ai appris à faire du story-board. Après, j’ai essayé de rentrer dans plusieurs studios d’animation notamment France Animation et des petites sociétés de courts-métrages d’auteurs aussi bien que de séries TV. Je revois toujours avec plaisir les décors que j’avais dessinés pour tel ou tel épisode…
 
Mais c’est par le biais de personnes que je connaissais que j’en suis venu à faire de la BD. Dans un premier temps pour un éditeur qui s’appelait « Zone créative » et qui a changé de nom pour devenir « pointe noire » puis je suis passé aux éditions Soleil. Auteur de BD c’était ce qui me convenait à l’époque parce qu’il réunissait tous les métiers que je voulais faire, à savoir : metteur en scène, scénariste, éclairagiste, directeur artistique… C’est l’image de la fameuse tour d’ivoire de l’auteur qui crée son histoire de A à Z. Je me suis dit que j’allais réaliser mon rêve de sortir au moins un album de bande dessinée puis que j’allais chercher un « vrai métier ». Donc j’ai sorti Gabrielle en 2001, aux éditions « pointe noire » et à partir de là, j’ai été contacté directement par Mourad Boudjellal de Soleil pour me proposer une collaboration avec sa maison d’édition. Une grosse maison comme Soleil, c’est un peu le Saint Graal pour un jeune auteur qui veut travailler dans ce domaine. J’ai réalisé plusieurs BD et tout n’a pas toujours été rose mais c’était quand même une activité sympathique pendant une bonne quinzaine d’années.
 
Néanmoins, certaines circonstances ont fait que j’ai du changer de métier. Je ne déroge donc pas à la règle puisque l’on dit qu’en moyenne, maintenant, un français change 4 fois de métier durant sa vie professionnelle. Je ne sais pas à combien j’en suis car j’ai cumulé divers emplois dans des secteurs différents, ce qui fait que j’ai dû dépasser le nombre de 4 depuis un certain temps… Actuellement je me suis reconverti dans l’enseignement. C’est un métier très stimulant mais pas forcément facile parce qu’on arrive pas les mains dans les poches : les cours cela se prépare, cela se corrige, cela se commente. C’est une profession qui permet aussi de se remettre en question, c’est assez intéressant puisque l’on remet en cause ses propres techniques et méthodes…
 
 
De laquelle de vos activités vous sentez-vous le plus à l’aise ?
 
Je dirais, le dessin de personnages, les décors et surtout l’encrage. C’est très reposant pour moi de peaufiner les petits détails. C’est un peu comme du tricot ou du repassage, c’est le genre d’activité où l’on n’a pas vraiment besoin de réfléchir mais par contre où il faut rester concentré, consciencieux et ne pas rechigner à la tâche. Je dis souvent à mes élèves que s’ils passent 1 heures, 1 semaine ou 1 mois sur un dessin, ils seront toujours jugés au final en quelques secondes à peine, sur un simple coup d’œil. C’est humain et on fait nous aussi la même chose, lorsque nous entrons dans une librairie, nous sélectionnons ce qui nous intéresse en regardant rapidement les couvertures des ouvrages. Donc autant passer un peu de temps à améliorer son travail, afin de faire une bonne première impression…
 
Technique KaraDepuis quelques années, je prends beaucoup de plaisir à perfectionner un encrage que je qualifierais de Comics, c’est à dire que c’est un encrage que l’on retrouve dans beaucoup de BD américaines notamment celles de DC ou Marvel. C’est un encrage extrêmement détaillé et qui normalement doit se suffire à lui même, donc sans couleur. C’est vraiment quelque chose que je découvre avec plaisir. Là actuellement, je suis en train de m’entrainer à faire de l’encrage numérique, pas au niveau des personnages mais plutôt des décors. En fait, je crée des images de synthèse ou je prends des photos et je les transforme en décors soit disant « fait main ». Alors, on voit encore que c’est de la photo mais progressivement j’améliore ma technique. Ce n’est pas quelque chose de nouveau et d’autres auteurs de BD le font encore mieux que moi mais je suis un « amateur » qui se lance sur son temps libre et qui s’amuse beaucoup… On pourrait objecter que ce n’est pas du vrai dessin mais il s’agit pour moi de trouver une méthode qui allie rapidité d’exécution et un minimum de qualité artistique. D’ailleurs, c’est une technique que l’on retrouve dans beaucoup de Mangas. Après, d’un point de vue éthique, si on ne triche pas et que l’on annonce clairement que l’on a créé les décors en 3D avant d’appliquer des filtres pour donner un effet « fait main », je ne vois pas vraiment où est le problème… Ce serait comme accuser un infographiste d’utiliser des images de synthèses pour réaliser ses effets spéciaux. D’accord, on peut utiliser des techniques traditionnelles mais en attendant, les films de Marvel sans images de synthèse cela serait nettement moins impressionnant…
 
 
Quelle était votre méthode de travail ?
 
A l’époque, lorsque j’étais encore dessinateur de bande dessinée, ma méthode consistait à partir d’une idée de base, un thème ou une envie. Le scénario pouvait venir assez rapidement, en 15 minutes. Ce n’était pas un coup de génie mais, plutôt comme me disait un ancien professeur de dessin, c’est le fruit d’une très longue réflexion (sur plusieurs mois) et tout à coup les pièces du puzzle se mettent en place. Le but étant de coucher cela sur papier et d’organiser les principales péripéties en définissant un nombre de pages pour chaque séquence. Puis, je réalisais un petit story-board très succinct en mettant des petits « bonhommes bâton » sur du papier A4 pour essayer de voir si cela fonctionnait ou pas. Je commençais à faire des croquis de personnages, parfois dessiner un personnage peut vous donner aussi une idée de scénario. Cela peut partir de n’importe quoi en fait. Par exemple, vous faites la vaisselle et vous avez tout à coup une idée. Cela casse un peu le mythe du type qui se promène dans la campagne ou sur la falaise, caressé par les embruns de la mer et qui a l’illumination, d’un seul coup, en scrutant le ciel… C’est parfois beaucoup plus basique que cela mais l’important, c’est que l’on ait une bonne histoire au final quel que soit le moyen de la trouver.
 
De plus, tout évolue, il suffit d’imaginer une scène et de se demander comment la dessiner pour trouver d’autres idées ou se rendre compte que cela va être trop compliqué à faire ou savoir que l’on n’aura pas le temps de le faire ou tout simplement que l’on n’a pas le niveau graphique suffisant pour le faire.
 
Il faut accepter de perdre du temps en amont pour en gagner en aval, c’est à dire par exemple qu’il faut créer des décors en fonction des péripéties que vont vivre vos personnages. C’est pareil pour les costumes, les accessoires… Bref apporter une attention particulière à la définition des éléments. C’est tout bête mais si vous créez un fusil pour un personnage et que c’est un sniper mais que vous oubliez de dessiner la lunette de visée, vous ne serez pas crédible sauf si l’action se déroule au moyen-âge et que l’homme tire avec un mousquet, bien sûr. Il faut accepter de se faire des listes et de passer du temps pour tout préparer. Même les plus grands, en faisant des temps de préparation considérables (ce que l’on appelle de la pré-production), peuvent avoir de mauvaises surprises. Par exemple, Georges Lucas avait fait 3 ans de pré-production pour préparer La menace fantôme. Le premier jour de tournage, il s’est aperçu que les décors étaient trop petits parce personne n’avait pensé à vérifier la taille de Liam Neeson, qui est un grand acteur, dans tous les sens du terme. Pour mes dernières BD où j’utilisais énormément de décors en 3D, j’ai dû d’abord les modéliser dans un logiciel de création 3D. Par exemple pour les galions volants que l’on voit dans La guerrière innocente, j’ai dû les créer en réfléchissant à tout ce qu’il me fallait dans mon histoire pour ne rien oublier.
 
Pour finir, je dessinais mes planches au fur et à mesure. Soit je dessinais une page et je l’encrais soit je dessinais une planche crayonnée complète et ensuite je l’encrais, pour varier un peu les plaisir et éviter le côté monotone de la chose.
 
 
 
Comment se déroulait votre journée type ?
 
Happy Chinese New YearLorsque je faisais mon travail « normal », je faisais des journées de 8 heures. Mais c’est vrai que lorsque j’étais en période de bouclage, il m’arrivait de grimper à 14 ou 15 heures par jour. C’était donc assez « sportif » et pour tenir le coup chacun a sa propre méthode. Pour moi, c’était mangêr bien et sain, c’est à dire des produits de qualité. Cela me donnait un apport énergétique suffisant. En sachant que je n’arrivais pas à tenir plus de 3 mois, à ce rythme… Lorsque je voyais certains de mes collègues qui arrivaient à boucler des albums en 6-8 mois avec une qualité graphique exceptionnelle, j’étais admiratif.
 
Actuellement, je suis en train de travailler sur une méthode qui me permettrait de boucler une page en 2 jours, grâce à mes encrages numériques. Mais c’est juste, de temps en temps, pour me détendre parce que je suis très occupé avec mes activités d’enseignant et les commandes de particuliers et d’entreprises pour des logos, des illustrations…
 
 
Êtes-vous satisfait de toutes les œuvres que vous avez réalisées ?
 
Pour mon premier album, Gabrielle, sorti en 2001, je suis assez content des décors. Par contre, je referais la tête des personnages parce qu’il leur manque un peu de féminité. De plus, il s’agit d’enfants mais quelques-uns de mes copains m’ont fait la remarque que sur certaines planches, on dirait des nains… Donc, si je devais changer quelque chose, ce serait le visage de mes héroïnes de l’époque et corriger quelques erreurs de dessin, pas changer l’histoire, ni le texte. Franchement, je suis assez satisfait du fond. Lorsque je relis mes textes, sur mes différents albums, je ne voudrais pas forcément faire beaucoup de changements, tout au plus j’ajouterais des nuances. Par exemple, pour Le bleu du ciel qui est une BD sur la religion, je la trouve un peu trop condensée et avec le recul,je raconterais l’histoire sur plus de tomes (peut-être 5 ou 6).
 
Sinon, de manière générale, je suis assez satisfait de ce que j’ai fait et lorsque l’on me demande si je ne regrette pas d’avoir arrêté la BD, je réponds que, pour le moment, j’estime avoir dit tout ce que j’avais à dire, c’est aussi simple que cela. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je faisais un peu de romans graphiques d’aventure mais aussi beaucoup de BD d’introspection où je livrais un peu mes réflexions de trentenaire, sur le monde. Aujourd’hui, je nuancerais peut-être certains propos, je serais peut-être moins catégorique sur certaines de mes affirmations mais au final, ce sont des œuvres qui appartiennent à une époque. Je sais qu’au moment où j’ai fait tout ces albums, j’étais à mon maximum, je n’ai donc pas de regret. Donc oui, certainement, aujourd’hui, je pourrais faire mieux, je vois notamment cela quand je redessine mes héroïnes pour des dédicaces. Néanmoins, lorsque je les ai réalisées, je me suis toujours donné à fond. Je n’ai donc aucun regret au final.
 
 

Gabrielle

 
De quelles œuvres êtes-vous le plus fier ?
 
Ça, c’est super vache comme question… Car j’aime bien chacune de mes œuvres mais pour des raisons différentes. Gabrielle, c’est ma première BD, celle où j’ai mis toutes mes tripes car j’étais convaincu que cela serait ma seule et unique BD. C’est aussi pour cela que j’ai mis 3 ans à faire cette foutue BD… Je continue encore aujourd’hui à l’adorer et à la relire avec une certaine tendresse. Ce sont surtout les décors, que je trouve très réussis car 90 % d’entre-eux sont faits à la main, la 3D ne représente en fait qu’une infime partie de l’album. Pour Le miroir des Alices, cela correspond à ma réflexion sur le virtuel. Je pense qu’actuellement le propos est encore pertinent. La guerrière innocente est également une histoire qui m’a satisfait puisque je l’avais pensée lorsque j’avais 17 ans et je ne l’ai réalisée que bien des années plus tard. Il y a aussi Le bleu du ciel qui correspond à mon scénario le plus complexe et le plus risqué, puisqu’il met en scène une vampire qui a eu de nombreuses identités dont celle de Marie Madeleine. Enfin, je dirais Réalités, une BD que j’ai réalisée avec Masa, un excellent dessinateur japonnais, hélas méconnu, qui aux dernières nouvelles travaillerait en tant que freelance dans le jeu vidéo. Je suis très fier d’avoir travaillé avec lui sur cette œuvre car il a réussi à faire un travail formidable. Je cite souvent en exemple son style à mes élèves, pour leur parler de l’utilisation de lignes claires dans le manga, sans ajout de 3D.
 
 
Quel(s) prix récompensant votre travail avez-vous reçu ?
 
J’ai reçu un prix il y a maintenant quelques années pour Gabrielle, dans un festival de BD qui se passait du côté de Lyon, et j’ai également été sélectionné pour le festival d’Angoulème pour le prix « jeunes talents ». J’ai été juste sélectionné mais c’est déjà plutôt très bien quand même… De plus, j’ai du également gagner d’autres prix notamment un prix jeune espoir ou jeune auteur débutant, je ne saurais plus exactement avec précision ni où, ni quand, mais je dois avoir une liste de tous les prix, quelque part, dans un tiroir… Toujours est-il que cela fait toujours plaisir.
 
D’ailleurs, petite anecdote, à l’époque de Gabrielle, on m’a contacté pour un salon. Lorsque l’une des organisatrices m’a téléphoné, comme j’ai un humour un peu pince-sans rire, je lui ai répondu pour rigoler que j’étais désolé mais que je ne viendrais pas. Et là, j’ai entendu la personne se décomposer à l’autre bout du fil. Je l’ai donc tout de suite rassurée en lui disant que je venais. En fait, le salon m’avait décerné un prix et je n’étais pas au courant. C’est lorsque j’ai reçu ce prix que j’ai compris le malaise de cette dame… Je la remercie encore de m’avoir téléphoné et m’excuse auprès d’elle, si elle lit cette page, de lui avoir fait une petite frayeur.
 
 
FUYUKI - mascotte NanachiQuels sont vos projets en cours ?
 
Je travaille essentiellement sur des petits projets. Là, par exemple, je viens de redessiner FUYUKI, la mascotte des éditions nanachi, afin de proposer à l’éditeur une version légèrement modifiée de mon personnage. De plus, actuellement, je travaille sur une petite BD expérimentale, en 6 pages soit l’équivalent de 12 planches, qui sera publiée gratuitement sur facebook et mon blog. Si je qualifie cette bande dessinée d’expérimentale, c’est parce que je teste des choses pour mettre au point toutes mes techniques d’encrage numérique. La particularité de cette œuvre numérique gratuite est qu’elle sera au format écran, c’est à dire full HD 16/9ème. Son titre devait être, à l’origine, « The Awakening » mais je crois que je vais en changer pour un titre français, peut-être « les enfants de la Lagune », qui a une connotation plus poétique et moins mainstream. En effet, à mon sens, un titre trop court en anglais fait un peu trop penser à un « court-métrage débutant ».

 

Bibliographie

Gabrielle – Récit complet (Pointe Noire)

Le miroir des Alices – 2 Tomes (Soleil Productions)

Ange & Démons – Artbook (Soleil Productions)

Lanfeust par ses amis – Album collectif (Soleil Productions)

Les filles de Soleil – Album collectif (Soleil Productions)

Le bleu du ciel – 3 Tomes (Soleil Productions)

Réalités – Récit complet avec Masa (Soleil Productions)

La guerrière innocente– 2 tomes (Soleil Productions)

Kirby & Me – Album collectif (Komics Initiative)

 

Toutes les images sont la propriété de Kara. Elles sont publiées sur cette page avec son aimable autorisation.
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