Las Vegas Mégalo…
Dans un futur proche, Zachary, jeune homme un peu naïf, quitte la ferme familiale pour travailler dans un parc à thème high-tech dédié aux jeux et aux plaisirs, où « les masses laborieuses » sont envoyées se divertir deux semaines par an. Devenu « interceptor » de la ville de Monplaisir, il va découvrir les règles à part entière de ce « paradis » régi par l’argent et une intelligence artificielle nommée A.L.I.C.E…
Selon les albums, la place des protagonistes peut varier énormément d’un tome à l’autre mais aussi à l’intérieur même de ceux-ci. Zachary est un protagoniste assez attachant qui se rêve en justicier à l’instar de son héros Overtime. Mais bien qu’il soit le héros de cette aventure, il n’est pas forcément toujours très présent, ce qui est surprenant et perturbant. On voit apparaitre régulièrement un certain nombre de personnages « satellites » qui donnent de (fausses ?) pistes pour avancer dans l’intrigue. Dans cet univers où les personnages sont habillés comme s’ils participaient à une fête costumée, il est quelques fois difficile de distinguer le réel de l’imaginaire. C’est un monde un peu baroque où le jeu, le sexe et la violence règnent en maître et où les visiteurs deviennent des jouets entre les mains d’un lapin sous acide et d’une IA développée pour les plumer. Ce sont tous ces personnages secondaires qui concourent aussi à l’intérêt et à l’originalité de la série.
Prévue en 5 tomes, cette histoire originale signée Luc Brunschwig, se construit selon un rythme qui prend son temps pour bien poser les choses mais qui à force de flash-back et de sous-intrigues dépeint un monde assez intéressant. Tel un puzzle, tous les éléments se mettent progressivement en place pour donner à l’ensemble un rendu cohérent et structuré. L’intrigue n’en est pas pour autant résolue puisqu’il manque encore un certain nombre de fils avant que l’écheveau ne soit totalement démêlé.
D’après ce que j’ai pu en voir, La série Urban a failli être étouffée dans l’œuf après avoir connu un faux départ aux Humanoïdes Associés sous le nom d’Urban Games avec le dessinateur Jean-Christophe Raufflet. Néanmoins, un « Reboot » avec Roberto Ricci a permis de redévelopper le concept pour nous proposer cette version qui s’épanouit sur plusieurs albums, dont le dernier est prévu pour janvier 2020.
J’ai commencé à entendre parler de Luc Brunschwig par le biais du premier tome du « pouvoir des innocents » à sa sortie il y a 20 ans mais étant donné que je n’ai quasiment plus lu de BD pendant un certain temps, je n’avais pas eu l’occasion de découvrir Urban, à la sortie du 1er tome. Il y a +/- 1 an, j’ai pu enchainer la lecture des 4er tomes rapidement, ce qui m’a permis de ne pas attendre trop longtemps avant de lire la suite et de ne pas être trop frustré par les cliffhanger de fin d’album. Je regrette juste qu’il reste encore à attendre la sortie du 5ème pour connaitre le dénouement.
Pour cette œuvre de science-fiction, le scénariste a eu l’idée de faire de ce parc d’attraction grandeur nature, une ville ayant ses propres règles, son propre système de lois, un peu à l’image d’une petite nation. L’idée d’une ville dédiée au jeu n’est pas révolutionnaire, mais l’auteur va plus loin, en proposant une cité dirigée par un psychopathe avide s’arrogeant le droit de vie et de mort sur ses visiteurs sans que les instances dirigeantes du pays ne sourcillent vraiment.
C’est un certain nombre de dérives possibles dans une ville régie uniquement par l’argent et le profit qui sont pointés du doigt par Luc Brunschwig. Notamment les conditions inhumaines dont sont traités les touristes qui n’ont plus les moyens et qui deviennent soit esclaves soit SDF avec une durée de vie très limitée. Mais c’est aussi la sur-médiatisation et l’absence de vie privée qui sont esquissées ici, avec par exemple la poursuite des criminels, suivie en direct sur grand écran comme un jeu sur lequel les spectateurs peuvent dépenser leur argent en prenant des paris ou encore la multitude d’écrans et de caméras qui parsèment la ville. Le scénario reprend entre-autre un des thèmes récurrent en SF d’anticipation : utiliser le divertissement pour garder le peuple sous contrôle.
Je vous parle beaucoup du scénariste et de l’histoire mais il faut aussi rendre hommage au co-auteur, le dessinateur Roberto Ricci dont le coup de crayon généreux donne des cases pleines de détails, sublimées par des couleurs pastelles, tout en douceur. Son style est élégant et expressif au point de laisser transparaitre une impression assez effrayante de cette réalité qui se cache derrière le cadre festif et apparemment idyllique de Monplaisir. Les couleurs oscillent entre chaudes pour le faste carnavalesque et froides pour les « coulisses ». Les décors sont plutôt fouillés et montrent une certaine expertise de l’auteur pour l’architecture et les arrières plans. Le découpage des cases est plutôt classique même si certaines s’enchainent de manière quasi cinématographique.
Pour résumer, je dirais qu’Urban a su engranger de nombreux fans, au cours des années, de part toutes ses qualités qui en font une excellente série SF dont la conclusion est très attendue.
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