Walk the line…
Jukebox Motel, c’est l’aventure de Thomas J Shaper qui commence dans les champs de fraise de son Québec natal et qui continue dans un diable d’endroit si cher à Johnny Cash. Sur le chemin, il passera par New York où il trouvera l’indamour auprès de Joan Grant et où il vendra son âme d’artiste pour l’argent. Cet homme à qui son père intimera de construire quelque chose à la hauteur de ce qu’il avait détruit en ne reprenant pas l’affaire familiale, va prendre le pseudonyme de Fury bien malgré lui…
A l’origine, JukeBox Motel est un livre de Tom Graffin, paru en 2016, aux éditions JC Lattès. L’auteur avait déjà réalisé un court métrage du même nom avant le roman. Lors de son processus d’écriture, il avait plein d’images et de scènes en tête. C’est pourquoi, il s’est dit qu’une bande dessinée serait le prolongement logique à son univers. Il a pris contact avec Hervé Richez de chez Bamboo afin de lui présenter le livre accompagné de notes d’intention. L’éditeur, intéressé, s’est alors tourné vers la dessinatrice Marie Duvoisin, qui après avoir lu et apprécié le roman, a réalisé quelques essais graphiques qui ont convaincu tout le monde. En parallèle, Tom Graffin s’est attelé à la transformation de l’œuvre littéraire en œuvre dessinée. Cela a donné lieu à un découpage sous forme de diptyque dont le premier tome, La mauvaise fortune de Thomas Shaper, est sorti plusieurs mois plus tard.
Tom Graffin nous raconte une histoire originale, celle de Thomas Shapper qui, après avoir connu une enfance heureuse, entouré par une famille aimante, va monter sur New-York afin d’assouvir sa passion pour l’art, dans les années 60. Jusque-là rien de nouveau sous le soleil mais il va lui faire croiser la route de plusieurs artistes de cette époque. Tout d’abord, Andy Warhol, figure centrale du Pop Art, qui va adorer une de ses toiles, réalisées sous le coup d’une « folie » créatrice passagère. Celui-ci lui présentera Big Man, un homme étrange, un peu fantastique et surnaturel, auquel Thomas va alors vendre d’une certaine façon son âme pour de l’argent. C’est cet argent qui va lui permettre de quitter la ville à la recherche de lui-même. Il rencontrera sur sa route, le chanteur Johnny Cash qui le missionnera pour trouver un « diable d’endroit » qui deviendra un peu le leitmotiv de cet album. Ce paradis perdu est un lieu dans l’esprit des protagonistes, où il fait bon vivre et où s’épanouit la créativité. Pour notre héros, c’est aussi un lieu où se reconstruire.
Un autre thème important, ici, concerne les relations amoureuses entre Thomas et Joan qui donnent lieu à un nouveau sentiment, l’Indamour. En fait, c’est un mot valise qui combine l’indépendance et l’amour, pour vivre sans contrainte. Bien que ce sentiment convienne au début à nos deux tourtereaux, la naissance de leur fille va changer la donne pour Thomas. Malheureusement, ce point de vue n’est pas partagé par Joan qui souhaite élever leur fille en toute indépendance malgré l’amour qu’elle a pour notre héros. Ce concept intéressant rajoute du volume à l’histoire. Cette dimension émouvante est renforcée par le destin tragique de la famille de Thomas.
J’ai découvert avec plaisir la dessinatrice Marie Duvoisin avec son tout premier album, « Nos embellies ». Lorsque j’ai appris par le biais de sa page Facebook professionnelle qu’elle travaillait sur l’adaptation d’un roman à succès, j’ai été très intrigué et empressé de voir le résultat. En effet, je voulais savoir si elle avait fait aussi bien pour son deuxième album et je n’ai vraiment pas été déçu. Son travail sur Jukebox Motel confirme qu’elle est vraiment une dessinatrice de talent. Comme vous l’aurez compris, cette jeune artiste a un coup de crayon semi-réaliste que j’apprécie beaucoup. Son trait précis et fluide s’adapte plutôt bien aux différents personnages ainsi qu’aux décors détaillés qui les entourent. Le découpage des cases alterne entre classicisme et originalité des compositions. Les couleurs quant à elles sont plutôt réussies et utilisent une palette assez large qui créent des ambiances différentes. Ce sont autant les expressions des personnages que les nuances de tonalités qui contribuent graphiquement à donner de l’émotion à l’album.
Beaucoup de réponses restent en suspens à la fin de ce premier album et une tension dramatique incite le lecteur à lire le prochain tome pour en connaître la suite. A l’instar de certaines BD que j’ai chroniquées par le passé, celle-ci aussi m’a donné l’envie de découvrir l’œuvre originale. Néanmoins, je pense que j’attendrais d’abord la fin de ce diptyque avant de m’atteler au roman afin de ne pas me gâcher le plaisir.
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