C’est un bon moment, c’est une belle histoire…
Alors qu’il n’arrive pas (ou plus) à vivre de son art, un dessinateur de BD essaie, sans succès de trouver un nouveau métier. Mais à 42 ans, personne ne veut lui donner sa chance, jusqu’au jour où on le contacte pour un remplacement en tant qu’agent de soins à la résidence Alphonse Gratinier. Commence alors une nouvelle aventure pour Rudo qui va découvrir « les joies » de la prise en soin des personnes âgées dans un EHPAD.
Je remercie Babelio, Anaelle Alvarez Novoa et les éditions Bamboo de m’avoir donné l’opportunité de lire cette BD, dans le cadre d’une opération Masse Critique. Après le plongeon chez le même éditeur, c’est la deuxième BD sur le monde des EHPAD en à peine quelques mois. Néanmoins, l’angle de celle-ci est un peu différent. La première racontait l’histoire d’une patiente d’un de ces établissements. Alors qu’ici le parti pris est de suivre le quotidien d’un soignant. Certaines constatations se recoupent mais on s’attarde autant sur le patient et sa prise en soin que sur la vie et les relations entre les soignants. On se moque de certains comportements et on en dénonce d’autres.
Nous découvrons ici le point de vue de Geoffroy Rudowski alias Rudo, dessinateur de BD, qui a décidé de prendre un job alimentaire pour payer ses factures et remettre de l’ordre dans sa vie. C’est un album autobiographique qui met en évidence une réalité : la précarité des auteurs de BD. Le fait que Rudo parle de sa propre vie donne de la crédibilité à l’ouvrage. En effet, le héros nous raconte avec émotion une histoire et des anecdotes assez justes qu’il a vécues personnellement.
Depuis de nombreux mois, on ne cesse de voir des articles sur certains sites spécialisés, concernant la précarité des auteurs de BD. Là, nous avons un exemple type d’un homme qui décide de tout plaquer (pendant 2 ans) afin de pouvoir vivre dans de meilleures conditions. Il a décidé de sacrifier ses rêves pour un quotidien plus terre à terre. Néanmoins, sur les conseils d’une patiente qui lui fait comprendre que la vie est trop courte, il décide de revenir à ses « premières amours » pour s’épanouir. Le scénario est bien construit. Il fait la part belle à l’humour, sans jamais tomber dans l’exagération, ce qui rend la lecture assez plaisante.
Le dessin quant à lui, est plein de légèreté et de tendresse, ce qui colle plutôt bien avec le sujet traité. Le choix de l’utilisation du sépia pour les couleurs de l’album donne un petit côté « souvenirs » et poétique à l’ensemble. On comprend que cette expérience a pris fin et qu’il se la remémore. Sur quelques pages, on peut voir par moment un peu de gris pour faire comprendre qu’il s’agit d’un souvenir de sa jeunesse passée (un souvenir dans le souvenir) et un peu de mauve lorsque l’auteur nous montre les cauchemars dans lesquels il imagine l’auteur d’un livre en dépendance affective, prêté par sa future ex-compagne. Donc, à part à ces endroits, on ne voit véritablement de la couleur que sur la couverture assez sobre qui laisse présager une prise en soin empreinte d’humanité de la part de l’auteur. L’artiste utilise également sur celle-ci des couleurs chaudes pour humaniser les personnages et contrebalancer avec le blanc et le bleu symbolisant le domaine de la santé.
Beaucoup de thèmes assez poignants et inhérents aux EHPAD, comme la fin de vie ou les soins dispensés aux patients, sont évoqués dans les pages de cet album. Comme je l’ai déjà dit dans d’autres chroniques, je suis soignant et même si je ne travaille pas en EHPAD en ce moment, les Bandes Dessinées sur le domaine de la prise en soin de patients âgés dépendants ont tendance à me toucher. Notamment lorsque le traitement scénaristique est axé sur l’humanité et le réalisme. Humanité ici car cela parle avec générosité et bienveillance des patients, de leur vie et de leur pathologie. Mais aussi réalisme notamment en n’hésitant pas à présenter l’implication relative de certains soignants, les relations avec les familles ou encore la recherche du profit par les directions des établissements de santé, le plus souvent privés. Néanmoins, l’auteur utilise beaucoup l’humour dans ses pages pour « faire passer la pilule » et parler des sujets qui fâchent.
Rudo n’idéalise pas les choses et nous relate sans fard aussi bien son vécu professionnel que les difficultés de son couple ou encore son rôle de père. C’est un album plein d’émotions qui fait réfléchir autant qu’il distrait.
PRENDS BIEN SOIN DE TOI
Rudo
72 pages – Couleurs
Date de parution : 05/05/2021
Editeur : Bamboo Édition
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