Ballade dans les Highlands…
Doug, ancien photographe professionnel s’est retiré dans les montagnes Écossaises pour retrouver un peu de calme et se reconstruire. Un jour alors qu’il fait quelques photos bucoliques d’animaux, son objectif croise la route d’une mystérieuse créature translucide qui va déchainer les foules et le propulser sur le devant de la scène après avoir fait l’erreur de partager ses images sur le réseau social à la mode, Twister. Commence alors pour Doug et son entourage un harcèlement médiatique d’envergure et la mise en péril de son écosystème…
Ma première rencontre avec l’œuvre de Bruno Duhamel fut la lecture en 2017 de son album Le Retour. Très impressionné par la qualité de son coup de crayon mais aussi par sa narration et la composition de ses cases, je me suis dit qu’il ne fallait surtout pas louper les prochaines sorties de cet artiste. C’est pourquoi, je me suis précipité sur Jamais dès qu’il est paru en librairie et je n’ai pas été déçu : cet album venait confirmer mon intérêt pour cet auteur complet (scénariste, dessinateur et coloriste) aussi doué pour dessiner que pour imaginer des histoires originales et les raconter avec brio. Je ne pouvais donc pas passer à côté de ce nouvel album que j’attendais depuis 2018, date à laquelle j’avais réalisé sur ce blog une page qui lui était consacrée. A cette époque, j’avais pu découvrir, par le biais d’échanges de mails, un homme plein d’humour et de gentillesse, qui avait accepté de répondre à quelques questions sur lui-même, sa façon de travailler ainsi que ses œuvres. A la question sur les projets en cours, il avait précisé qu’il était en train de travailler à un nouvel album pour la collection grand Angle de chez Bamboo tout en restant assez discret sur le sujet. Il avait juste mentionné qu’il s’agirait d’un one-shot en solo qui se passerait en Ecosse.
Après nous avoir présenté Madeleine, petite nonagénaire au caractère bien trempé, Bruno Duhamel nous propose de découvrir Doug, personnage fort sympathique bien que râleur, un peu misanthrope et grossier sur les bords. Comme à son habitude, il crée un personnage fort et développe tout un univers constitué de personnages secondaires intéressants (à l’instar de fox la journaliste intègre ou de Emma Holmes l’écrivain à succès) qui donnent du volume et de la consistance à cette histoire. Cela lui permet d’imaginer un récit où se mêlent habilement critique acerbe de notre société et univers un peu baroque pour amener un peu de légèreté à son propos (Bolivar, le lama d’élevage qui traverse une route d’Écosse, par exemple). On retrouve ici ce qui semble caractériser cet auteur engagé, l’originalité et le sens de l’humour. Avant même de commencer l’album, des avertissements nous immergent dans l’ambiance de ce qu’est une BD signé Duhamel. Outre ce préambule, ce sont aussi tous les dialogues ciselés à l’humour structuré qui contribuent à amuser le lecteur.
A l’ère du numérique, l’information se diffuse à la vitesse de la lumière et les conséquences peuvent en être désastreuses. C’est autant une mise en garde que le constat d’une société surmédiatisée qui recherche le scoop à tout prix, quitte à ne pas toujours vérifier ses sources. Bruno Duhamel traite de bien d’autres choses encore dans cet ouvrage notamment la manipulation des masses grâce à la désinformation et les fakes news ou encore les manigances des industriels qui polluent la planète sans se préoccuper des conséquences ou qui manipulent la génétique, sans complexe. En préparant cette chronique j’ai lu plusieurs avis mentionnant que certaines personnes avaient adoré toute la première partie mais avait complétement décroché à la seconde. Personnellement j’ai aimé tout l’album et je l’ai trouvé très juste dans toutes les dérives qu’il met en avant, même ce cliché des différents mouvements idéologiques qui se détestent entre eux montrant ainsi leur intégrisme et leur intolérance. Cela devient finalement un beau bordel où tout le monde s’affronte pour avoir le dernier mot. Je ne suis pas sûr que ce soit si éloigné de la réalité des possibles et des plausibles…
Outre tout l’aspect scénaristique où l’on voit qu’il y a une vraie réflexion de l’auteur pour transmettre des messages mais aussi un vrai savoir-faire pour donner envie au lecteur de tourner la page pour connaître la suite (c’est ce que l’on appelle le « page-turning »), Bruno Duhamel, c’est aussi un coup de crayon semi-réaliste efficace qui met en exergue le ton humoristique de l’œuvre. Les visages sont assez marqués presque caricaturaux. La composition des planches est relativement classique dans la construction. Néanmoins, en parallèle de cela, les cases sont très fouillées. Le souci du détail est une des marques de fabrique de l’auteur, qui égrène les arrières plans travaillés au fil des pages, ce qui donne à l’ensemble un sentiment de finesse et de fluidité. D’après ses 2 dernières couvertures (Jamais et celle-ci), la couleur de prédilection de l’artiste semble être le bleu qui donne une grande luminosité à ses illustrations. Son travail de coloriste bénéficie du même niveau d’exigence que ses activités de dessinateur et de scénariste.
La fin de l’album se conclut de manière un peu philosophique, sur le fait que l’Humanité n’est pas prête à accepter ce qu’elle ne connait pas. A l’instar de « Nessie » (le monstre du Loch Ness), la créature de Duhamel, déchaine les passions et atteint une certaine célébrité en apparaissant assez peu, au contraire de la bêtise humaine dont Bruno Duhamel nous fait la satire.
#NOUVEAUCONTACT_
Bruno Duhamel
64 pages – Couleurs
Date de parution : 28/08/2019
Editeur : Bamboo Édition
Collection Grand Angle
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